Article Agra Alimentation : Interview de Serge ATIA Proxidelice du 24/02/2022

Serge Atia, fondateur et CEO de Proxidélice : « Aujourd'hui, il est clair qu'Egalim fait du bien à l'entreprise »

 

Le distributeur alimentaire pour la RHF Proxidélice est en avance sur l’histoire. En effet, avant même la loi Egalim instaurant 50 % de produits sous signes de qualité et d’origine (dont 20 % bio au minimum) dans la restauration collective publique en 2022, la société ne propose depuis sa création que des produits locaux, des produits bio et/ou des produits sous signe officiel de qualité. De même, Proxidélice a toujours exclusivement travaillé avec des viandes d’origine française. Elle dispose donc de tous les circuits d’approvisionnement pour répondre à la directive sur l’étiquetage des viandes en restauration commerciale et collective, obligatoire en mars 2022. L’entreprise fournit plus de 1 175 sites de restauration collective en Ile-de-France et dans le sud de la France.

 

Proxidélice se présente comme le seul opérateur en France ne proposant que des produits locaux, des produits bio et/ou des produits sous signe officiel de qualité à destination du marché de la restauration collective. Expliquez-nous ce qui a motivé ces  choix ?

Sur le marché de la restauration collective aujourd’hui, mes concurrents proposent soit des produits bio, soit des produits locaux, mais pas les deux, Proxidélice est le seul à être présent sur le bio et le local. C’est un choix que j’ai fait dès la création de l’entreprise en 2013, avant même que n’arrive la loi. Et aujourd’hui, il est clair qu’Egalim fait du bien à l’entreprise.

En 2000, c’était en pleine crise de la vache folle ; mon épouse et moi, alors jeunes parents, n’avions pas confiance dans la nourriture donnée à la crèche, ainsi avons-nous décidé de lancer l’entreprise. Au départ, la société proposait seulement des produits bio français et ensuite, en 2013, Proxidélice a étendu son activité aux produits locaux sous signes de qualité (Siqo, ndlr). Et aujourd’hui, comme nous avons toujours exclusivement travaillé avec des viandes d’origine française, la directive sur l’étiquetage des viandes en restauration commerciale et collective, devenue obligatoire depuis mars 2022, ne nous pose aucun problème. Proxidélice a de l’antériorité et donc une bonne connaissance des circuits d’approvisionnement, et ce depuis plus de vingt ans. Nous avons un mot d’ordre concernant la qualité de notre viande : d’où elle vient, qui l’a élevée et comment. Je ne prendrais pas un produit qui a seulement été assemblé en France. On doit être capable de détricoter toute la pelote concernant la traçabilité d’un produit, et comprendre l’origine de la matière première.

Jusqu’à présent, 70 % de la viande consommée en RHF est d’import. Egalim est une bonne chose, mais risque de créer des problèmes pour les fournisseurs qui ne sont pas prêts. Aujourd’hui, il faut de l’amont, mais aussi des débouchés pour les éleveurs. Il faut trouver un équilibre matière au juste prix. Globalement, il y a une démarche filière à mettre en place pour que tout le monde s’y retrouve.

 

Proxidélice est une petite entreprise, comment s’en sort-elle face à la concurrence ? Et d’ailleurs, qui sont vos concurrents ?

Nous sommes en concurrence avec les groupes Pomona, Sysco (ex-Davigel, ndlr) ou encore Pro à Pro (Metro, ndlr). Là où nos concurrents vendent des lignes de produits pour réaliser des repas, Proxidélice propose des solutions repas, c’est là que nous sommes compétitifs, en massifiant nos approvisionnements. Notre diététicienne travaille à l’élaboration de repas en prenant en compte plusieurs paramètres, tels que l’âge des consommateurs et donc les besoins nutritifs de chacun, mais aussi la saisonnalité et la disponibilité des produits. Compte tenu des vacances scolaires, qui reviennent toutes les six à huit semaines environ, nous proposons cinq cycles de menus dans l’année, avec à chaque fois deux à trois offres, en bio, en produits locaux, en produits locaux et bio comme le veut Egalim, et aussi depuis 2019, un repas végétarien par semaine. Nous vendons une formule, entrée, plat, accompagnement, laitage et dessert, avec des grammages différents suivant les âges et les besoins. En moyenne, un repas comportant ces cinq composantes équivaut à 2 euros, soit un niveau proche de celui d’un repas conventionnel. La différence se joue entre 20 et 30 centimes par repas maximum.

Et enfin, à la différence de nos concurrents, nous travaillons également beaucoup avec des supports pédagogiques pour expliquer aux enfants d’où viennent les produits qu’ils consomment, comment ils sont produits et quelle est leur empreinte environnementale. Tous les six repas environ, un commercial/animateur de Proxidélice se déplace sur site pour expliquer notre démarche. Et nous organisons même des sorties découvertes en fin d’année scolaire, dans les fermes de certains de nos producteurs partenaires. Proxidélice est certes une petite entreprise, mais nous sommes convaincus de la réussite de notre modèle. Je continue d’ailleurs à recruter du personnel avec dix nouveaux salariés arrivés entre septembre dernier et janvier 2022, soit un doublement de nos effectifs.

 

Votre modèle de solutions repas avec des grammages en fonction des besoins du consommateur n’est-il pas favorable à la réduction du gaspillage alimentaire ?

Tout à fait. Et la qualité de nos produits, qui ont une meilleure valeur nutritive que d’autres, joue également en faveur de la réduction du gaspillage alimentaire. C’est à nous d’apporter la juste quantité aux clients en fonction de leurs besoins. Et nous participons également à la réduction du gaspillage alimentaire avec nos producteurs, quand nous utilisons des écarts de tri, pour cuisiner des compotes de pommes par exemple.

 

Comment se sont déroulés les deux derniers exercices, 2020 et 2021 ? Et quelles sont vos perspectives pour 2022 ?

Vu le contexte, l’année 2020 a été difficile, avec une baisse de 35 % du chiffre d’affaires et une perte au niveau du résultat d’exploitation. En 2021, la société a reproduit ce qu’elle avait réalisé en 2019. Cette année, nous espérons repartir pour une nouvelle croissance de l’activité et avons pour objectif de multiplier par 2,5 le chiffre d’affaires qui devrait atteindre 2,5 millions d’euros fin 2022. Encore faut-il que tout le monde, et notamment les écoliers et les étudiants, reprenne durablement le chemin des établissements. Après une progression de 30 % de l’activité en janvier sur un an, février a accusé une chute de 50 %, en raison de la nouvelle fermeture des classes.

 

Justement, les fermetures des écoles à répétition et l’essor du télétravail ne sont-ils pas un frein pour le développement de l’entreprise ?

Outre les fermetures de classes qui nous ont pénalisés pendant la pandémie, les crèches et les établissements scolaires ou universitaires comptent beaucoup de vacances scolaires. Nous essayons de faire évoluer l’activité, pour désaisonnaliser notre métier. Actuellement, les crèches et les établissements scolaires et universitaires représentent environ 70 % de notre chiffre d’affaires. Et sinon, Proxidélice réalise 15 % de ses ventes dans les établissements de santé et 15 % auprès des entreprises et des armées.

 

Que pensez-vous de la tribune signée ces derniers jours par des acteurs et des fournisseurs de la restauration collective demandant une « revalorisation des budgets de commande publique consacrés à l’alimentaire » pour faire face à « la flambée des prix de matières premières, matériaux, emballages, transports et énergies » ?

C’est une demande totalement justifiée, que je partage. Toutes les matières premières ont augmenté, il n’est pas possible de rester sur les mêmes budgets et encore moins en tenant compte des exigences de la loi Egalim.